Partage Anonyme
Dans la boîte à secrets, vous partagez les émotions qui vous traversent pour vous décharger pour être lu.e
Ici le secret d'une personne psychothérapeute qui souhaite parler de sa situation, vous pouvez soutenir cette personne en commentaire sous la publication de mon post instagram : https://www.instagram.com/shirley_souagnon/
Vous trouverez ci-dessous le texte tel qu'il m'a été transmis :
"Bonjour, j'espère que vous allez bien. De mon côté, je suis démoralisée et c'est pour ça que j'ai eu envie d'écrire ce message.
Je n'ai jamais fait ça, je suis quelqu'un de réservé mais ce soir, je suis rentrée du travail en larmes et j'ai envie de partager ça avec vous touxtes, via cette boîte à secrets.
J'ai envie de parler de quelque chose de tabou, que ce soit chez des personnes qui travaillent dans ce domaine ou non. Je suis psychothérapeute et j'essaie tant bien que mal de jongler entre des injonctions paradoxales comme "les psys sont plus fous.folles que leurs patient.exs" (spoiler alert: la folie n'est pas un diagnostic) et
"pour être un.e bon.ne thérapeute, il faut avoir vécu, pas juste appris des bouquins par <3". Cette pression à être lisse et à faire preuve d'une empathie, d'une bienveillance et d'une sensibilité qui ne tombent pas de nulle part. Cette course à la performance, ce culte à la perfection, alors même qu'on nous demande d'avoir développé une écoute et des qualités qui, à mon sens, ne peuvent se développer que dans des situations de crise, lorsque tu n'as pas d'autre choix que de faire preuve de résilience.
Je suis en arrêt maladie partiel depuis quelques mois parce que j'ai un Covid long et des séquelles cognitives et physiques très handicapantes et parce que j'ai une réactivation de traumatismes suite à un deuil. Une personne dont j'étais très proche est décédée subitement d'un cancer qui semblait s'être stabilisé et j'ai un parcours de vie rempli de deuils et autres traumas liés à la mort et à la maladie. Je suis donc dans une période de vulnérabilité importante.
Pour la première fois de ma vie, j'ai pris cet arrêt prolongé et reprends très progressivement mon activité professionnelle, histoire de prendre soin de moi et de ne pas me surcharger. J'adore mon métier, je suis extrêmement reconnaissante que l'on me fasse confiance pour partager un bout de chemin de vie et se livrer. À mon avis, les thérapeutes apprennent beaucoup de leurs patient.exs et je me sens privilégiée de faire ce métier. Mais le système de santé... quel scandale. J'ai une jauge de performance sur mon écran, comme dans une multinationale, et elle doit être à 100% chaque semaine, sinon on m'ajoute de nouvelles prises en charge. J'ai demandé une augmentation salariale en décembre 2023 (il n'y a pas de faute de frappe). Après avoir sagement patienté pendant des mois, sous la réassurance de mes collègues qui me disaient que c'était normal, j'ai relancé les RH. Je vous la fais courte parce que c'est tout sauf intéressant.
Aujourd'hui, 25 janvier 2025, je n'ai pas encore vu la couleur d'un centime. C'est même pire que cela, je vis des sanctions sociales, invisibles, insidieuses. Parce que j'ai osé l'ouvrir. Et parce que je dis non. Mais je vais rester vague, de peur que l'on me reconnaisse ou que l'on reconnaisse l'établissement, le lieu. Et ce n'est bien sûr que la surface de l'iceberg, il y a bien d'autres dysfonctionnements.
Quand j'en parle autour de moi, les réponses que je reçois sont ""quitte ton taf"", ""mets tes limites"", etc. Je trouve incroyable, le fait d'être présumé coupable dès qu'on ose dénoncer des situations scandaleuses. Et ça sonne un peu ""arrête d'être triste"", ce qui est juste encore plus culpabilisant. Mais je ne suis pas d'accord. Je refuse de me taire. Je refuse de m'adapter à un environnement malade. Je refuse de courber l'échine, tout comme j'encourage et entraîne mes patient.exs à faire face.
Vous n'aurez pas ma haine. Vous n'aurez pas mon éthique. Electron libre je suis et je resterai.
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https://www.youtube.com/watch?v=RyuUNeCrAn4
Nous sommes de ceux qu'on ne remarque pas
Des fantômes / des transparents / des moyens
Nous sommes de ceux qui ne rentrent pas en ligne de compte
Nous sommes de ceux qu'on choisit par défaut
Nous sommes de ceux qui ont la peau terne / les traits tirés et le regard éteint
Des visages-pâles / des teints-gris
Nous sommes de ceux qui se délavent de jour en jour
Nous sommes de ceux qui ont du mal à s'entendre penser
Nous sommes de ceux qui se maîtrisent difficilement
Nous sommes de ceux qui mettent mal à l'aise en public
Nous sommes de ceux qui dérapent dans les escaliers des bibliothèques
Nous sommes de ceux qui dansent de façon embarrassante
Nous sommes de ceux qui font l'amour en deux temps
Nous sommes de ceux qui s'y prennent à l'envers avec les autres
Nous sommes de ceux sur lesquels on parie jamais
Nous sommes de ceux qui savent plus raisonner de façon logique
Nous sommes de ceux qui ont tout fait comme il faut mais qui y arrivent pas
Des ratés modernes / des semi-défaites / des victoires sans panache
Nous sommes de ceux qui tiennent pas la pression
Nous sommes de ceux qui se font balayer à répétition
Nous sommes de ceux qui se font assister / des baltringues / des éclopés / des faibles
Nous sommes de ceux qui prennent des trucs pour tenir le coup
Nous sommes de ceux qui ne savent pas dire non / qui connaissent pas la rébellion"